dimanche 18 mars 2018

Débuter la coopération au lycée. Pourquoi? Comment?


Pourquoi?


La pédagogie coopérative se développe à tous les niveaux d'enseignement. Ceci pour de nombreuses raisons:

- La coopération est un moyen de créer le conflit cognitif nécessaire à tout apprentissage.
-C'est un support de développement des compétences relationnelles indispensables au futur citoyen.
-Elle permet le développement de l'intelligence émotionnelle nécessaire au bien-être et à l'épanouissement.
-Proposer des situations de groupes permet de différencier au sein d'une classe hétérogène.
-La coopération motive. Elle donne du sens à travers des activités plus complexes et dont l'enjeu stimule l'envie, le goût du défi, le plaisir de chercher, de réfléchir.
-Elle fait vivre l'entraide en classe et reconnaît la maturité réflexive des élèves.
-Coopérer en classe répond au besoin d'appartenance des jeunes. La coopération est le fondement anthropologique de l'existence humaine.
-C'est un levier pour "apprendre à apprendre" grâce aux autres.
-C'est un levier pour aller à l'encontre des individualismes et des certitudes.

S'il vous reste encore quelques doutes, je ne saurais trop vous conseiller de lire cet article qui tente de croiser les apports de la recherche avec ceux du terrain tout en évaluant l'intérêt à coopérer du point de vue de l'enseignant et des élèves:
-Coopérer au collège et au lycée, quel intérêt?




Comment?

Si chacun s'accorde à trouver ces quelques intérêts à coopérer en classe, la question du COMMENT reste très présente. Comment obtenir un climat de classe propice à la coopération entre des jeunes parfois trop tournés vers eux-mêmes et leur propre réussite ou échec? Comment gérer les quelques élèves perturbateurs incapables de se mettre au travail sans le contrôle rapproché du professeur? Comment permettre à l'élève mis à l'écart de s'impliquer au sein d'un groupe?

Toutes ces questions sont légitimes et méritent d'être posées et prises en compte. Cet article tente d'y répondre en vous donnant quelques pistes concrètes.


Comment obtenir un climat de classe propice à la coopération entre des jeunes parfois trop tournés vers eux-mêmes et leur propre réussite ou échec? 

Pour cela, il vous faudra du temps. Que nous enseignions à l'école, au collège, au lycée ou à l'université, le climat serein de nos classes ne se décrète, il le devient. Nous pouvons dire que cette problématique est d'ordre systémique, c'est à dire qu'elle est le résultat de multiples facteurs interagissant au cœur d'un système complexe. Le climat serein ne s'obtient pas, seulement, grâce à la posture ferme et bienveillante de l'enseignant. Il ne s'obtient pas, seulement, grâce à la configuration de la classe. Il ne s'obtient pas, seulement, grâce au profil des élèves... Le climat est l'affaire de tous et des éléments matériels et organisationnels mis en œuvre. L'idée est donc bien de prendre conscience de ces facteurs afin de tenter d'agir sur ces derniers.
Je précise les sept leviers fondamentaux dans l'article "Climat de classe".

En ce qui concerne le lycée et les publics d'adolescents, la sécurité affective nous apparaît comme étant un élément à considérer prioritairement. En effet, le jeune a besoin de se sécuriser pour se responsabiliser ensuite. Il demande un cadre dans lequel il pourra évoluer, apprendre seul et avec les autres. Il est donc fondamental d'expliciter clairement votre propre conception du cadre de votre classe. Il peut varier de celui de vos collègues, mais ne doit pas varier au sein de vos cours. Posons-nous donc la question de nos limites, de notre seuil d'acceptation du niveau sonore, des mouvements dans la classe, des modalités de travail en coopération, du niveau d'exigence des productions attendues... Tous ces éléments doivent être clairement présentés aux élèves afin qu'ils soient conscients des limites à ne pas dépasser. 

 Il existe parfois des "non classes", des groupes d'élèves séparés en "clans". Autoriser l'entraide est une piste efficace pour améliorer le climat au sein de nos classes parfois difficiles. Par exemple, il est intéressant de donner la possibilité aux élèves qui ont terminé un travail de corriger le travail de leurs camarades ou d'en aider d'autres. Ce dispositif d'aide et de tutorat vous permet également de vous libérer pour accompagner les apprentissages des élèves qui en ont le plus besoin. Il constitue une alternative à la correction collective parfois source d'ennui et de rêverie pour les élèves. 

Pour que l'entraide se passe dans les meilleures conditions, là encore, il s'agit de se mettre d'accord au préalable sur les conditions de sa mise en œuvre: qui est autorisé à se lever pour aider? Peut-on parler calmement ou chuchoter? Que doit faire celui qui aide? Que doit faire celui qui est aidé? Quel niveau sonore sera acceptable pour vous-même et pour la classe? Quel outil de gestion du niveau sonore utiliser?

Le tutorat s'apprend. Sylvain Connac, pédagogue et maître de conférence, affirme l'importance d'une formation du tuteur afin de clarifier avec les élèves les conditions d'un tel dispositif.

Voici une petite vidéo plutôt originale pour expliquer les choses aux collégiens (Vidéo de Nicolas Vos).
 Un exemple de brevet de tuteur au lycée, par S. Connac:


Voici quelques outils numériques bien utiles:
-Classroomscreen. Grâce à cette application, vous pouvez donner des consignes visuelles à votre classe telles que le temps de travail, la modalité (seul, en groupe, en chuchotant...), le niveau sonore,...  Si vous utilisez les smartphones ou des tablettes, vous pouvez projeter un lien vers le site de votre choix grâce à un générateur de QR-codes.
-Too Noisy on line. Un support très visuel et, je vous l'accorde, un peu simpliste et enfantin pour des ados, qui vous permet de suivre visuellement le niveau sonore acceptable ou non durant les activités collaboratives.
-Un logiciel de tirage au sort pour former vos groupes hétérogènes rapidement.

Ces règles contribuent à développer l'autonomie des élèves et donc leur capacité à se responsabiliser dans la construction de leurs apprentissages. En effet, selon le sociologue français Bernard Lahire, l'autonomie se décline en deux éléments: l'autonomie politique et l'autonomie cognitive. La dernière est la liberté de chercher, de réfléchir, de s'informer et d'expérimenter. L'autonomie politique, quant à elle, représente le cadre  mis en œuvre par les élèves et validé par l'enseignant. L'autonomie ne peut donc se concevoir sans un cadre.


Comment gérer les élèves perturbateurs incapables de se mettre au travail sans le contrôle rapproché du professeur?Comment permettre à l'élève mis à l'écart de s'impliquer au sein d'un groupe?

Ces élèves ont plus que les autres besoin d'un cadre clair défini au sein de votre classe. Aucune impasse ne peut être faite aux règles de la classe. Cependant, pour ces élèves particuliers, ces règles ne suffisent pas.

Si vous avez dors et déjà pris en compte les sept leviers de Rosée Morissette pour améliorer le climat de votre classe, plusieurs pistes restent encore à explorer:

  • Valoriser les comportements coopératifs et évaluer le travail de groupe,
Evaluer l'efficacité du travail de groupe permet aux élèves d'opérer une réflexion quant à leur réelle efficacité à travailler en coopération. L'idée est de leur proposer une autoévaluation réitérée avec le même groupe de camarades. Ce groupe pourra ainsi observer ses progrès et se responsabiliser dans le projet de s'améliorer.
Cette évaluation peut se rédiger selon trois axes de réflexion:
-L'équipe est-elle satisfaite de son mode de fonctionnement?
-La production réalisée est-elle de qualité?
-Les membres de l'équipe ont-ils appris en réalisant cette activité coopérative?
S'agissant d'une activité de groupe, il est préférable de se focaliser sur l'évaluation du "NOUS" et d'encourager les autorégulations si nécessaire. Inviter le groupe à se retrouver pour une prochaine activité et à mieux s'organiser de manière à ce que chacun s'implique amènera les élèves à échanger sur les éventuels dysfonctionnements et à trouver par eux-mêmes les solutions appropriées.

Voici un exemple de fiche d'autoévaluation à télécharger ici:
https://drive.google.com/open?id=19KndugV3YdL-ir7sMQKAh9NzyknJKVko

https://drive.google.com/open?id=14USYGx-cVLU-cat_7vq1u0cseOAecgTw



  •  Autoriser le refus de coopérer
 La confrontation aux autres peut s'avérer trop difficile pour certains jeunes. Leur besoin de sécurité se trouve alors mis à mal et les empêche d'entrer en collaboration avec les autres. Ne voyons pas alors ce refus de coopérer comme un échec. Il doit être envisagé, dans certains cas, de proposer la réalisation individuelle de la tâche. L'élève ainsi entendu dans sa difficulté, fera de son mieux pour réaliser une production de qualité et perturbera moins le reste de la classe. Ce choix de modalité pédagogique adaptée doit être accompagné d'une explicitation de l'objectif, toujours présent, de travailler en groupe afin que l'élève comprenne bien que ce travail individuel ne doit pas être un fin en soit et qu'il devra se confronter aux autres à l'avenir.

Afin de l'aider au mieux à affronter cette nouvelle étape, il est alors conseillé de privilégier un travail en binôme dans un premier temps. L'élève aura ainsi l'occasion de vivre une situation de coopération réussie et gagnera en confiance pour s'impliquer ensuite dans de plus grands groupes.

Dans l'intérêt de tous les élèves, il sera préférable de varier le plus souvent possible les modalités de regroupements en fonction de votre objectif pédagogique:
-par affinités en laissant les élèves choisir au moins un camarade du groupe (pour faciliter l'implication des plus discrets et individualistes, pour développer la créativité),
-au hasard, par tirage au sort (pour éviter les jugements et jouer la carte de la justice du hasard)
-en fonction des besoins (pour proposer des activités de niveaux différents)



  • Motiver vos élèves en agissant sur leur motivation intrinsèque et extrinsèque (article à venir)




Ressources:
-Dossier des cahiers pédagogiques n°449: L'éducation à l'autonomie
-Les Cahiers pédagogiques n°505: Mieux apprendre par la coopération
-Sylvain Connac; Construire la fraternité en classe
-Rosée Morissette, Micheline Voynaud: Accompagner la construction des savoirs, éditions Chenelière






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